La révolte paysanne croato-slovène

La jacquerie de 1573

Quoique le 28 janvier 1573 soit considéré être le début officiel de la révolte des paysans croates et slovènes, celle-ci avait été soigneusement planifiée bien avant et n'eut rien de spontané. Si le comportement sauvage du magnat Ferenc Tahy envers ses serfs déclencha la révolte, les raisons étaient pourtant plus profondes et elles tenaient aux énormes différences de classe dans cette société féodale. Ferenc Tahy avait passé le plus clair de son existence à lutter contre les Turcs et c'est après être tombé malade qu'il s'était mis à maltraiter les serfs sur ses domaines. En 1572, les serfs refusent de se replacer sous l'autorité de Tahy : ils se mettent à s'organiser en créant une sorte de gouvernement paysan à la tête duquel ils élirent Matija Gubec à qui ils donnent le titre de bey. Une fois le gouvernement composé, encore leur fallait-il organiser une armée. C'est Ilija Gregorić qui sera élu commandant suprême de l'armée paysanne. Ce dernier était devenu serf de Ferenc Tahy en 1564, mais à la différence de nombreux autres paysans il possédait une maison, des parcelles et un vignoble. Il touchait aussi un salaire pour avoir servi dans la Krajina.

Début 1573 les préparatifs pour la révolte étaient entièrement achevés. Le ban Juraj Drašković en était informé et en janvier de cette année il convoqua la diète à Zagreb, diète à laquelle se rendit également Ferenc Tahy. Egalement convoqués, les serfs de Susedgrad ne s'y présentèrent pas et se contentèrent d'envoyer une lettre dans laquelle ils se disaient prêts à se soumettre à n'importe quel seigneur que le roi leur aurait désigné à condition que ce ne soit pas Ferenc Tahy. Les magnats et les nobles condamnèrent la lettre, quant aux paysans ils les déclarèrent félons ; la révolte ne pouvait plus être enrayée.

En effet, la nouvelle de la condamnation prononcée à Zagreb avait fortement ébranlé toute la paysannerie en Croatie et en Slovénie. Les gens commencèrent à s'armer en masse et la révolte paysanne se propagea rapidement. Le grand soulèvement débuta le 28 janvier 1573 et rapidement s'empara du Zagorje croate, de la Carniole et de la Styrie. Ses ambitions, l'abolition du féodalisme et l'appropriation du pouvoir au sens politique, se dessinaient à traits rapides. Un imprévu allait pourtant surgir. Les Uscoques du Žumberak, soldats aguerris et bien armés sur lesquels les paysans avaient compté, se rallièrent après une brève hésitation aux feudataires dont les rangs ne cesseront plus de grossir. La rencontre décisive se déroula le 9 février 1573 à Stubičke Toplice. Lorsque Matija Gubec eut appris que les troupes royales se rapprochaient, il décida de se battre jusqu'au bout, conscient de ce que cette bataille à Stubice apporterait à son camp ou la mort ou la liberté. Dans un premier temps les paysans se battirent avec courage, mais la supériorité numérique et l'équipement ne penchaient pas en leur faveur. La défaite était inévitable. Matija Gubec et Ivan Pasanac furent conduits à Zagreb pour être exécutés sur la Place de Marc. 

Matija Gubec fut coiffé d'une couronne incandescente et pour finir - tel le pire scélérat - on l'écartela. Contre les autres chefs de la rébellion seront menés des procès à Vienne, Graz, Ljubljana et Zagreb, et bien que le ban croate Drašković eut tenté de sauver Ilija Gregorić, il sera lui aussi exécuté sur l'insistance de Vienne. Ferenc Tahy, en qui tous voyaient le motif et le facteur principal de la jacquerie, ce dont il fut condamné, mourut seulement quelques mois après que le soulèvement eut échoué. Il a été enterré dans l'église paroissiale de la Ste Trinité à Donja Stubica aux côtés de son épouse Jelena Zrinski. 

Source : Sandraskanderlic.blogspot.com 

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Malgré le fait que la révolte ait été de courte durée, elle a été, et est toujours, une partie importante de l'histoire de la région, un héritage précieux. Le film dramatique historique yougoslave / croate de 1975 « Anno Domini 1573 » fournit une excellente description artistique de ces événements. Réalisé par Vatroslav Mimica, il présente une distribution stellaire de toute la Yougoslavie et a été acclamé par la critique internationale, notamment au Festival de Cannes de 1976.

Ces films historiques nationaux ont souvent été diffusés en rediffusion à la télévision publique dans toute la Yougoslavie au cours des années 1980. Alors que je me souviens de l'avoir regardé enfant, je n'avais retenu que de vagues impressions des visuels, similaires aux peintures de Bruegel. J'étais content de voir que plusieurs copies sont disponibles en ligne afin que je puisse le revoir avec le regard d'un adulte. On peut dire que ce film a su résister au temps, et la disponibilité d'une version sous-titrée en anglais sur YouTube est une bonne nouvelle tant pour les cinéphiles que pour la communauté internationale des passionnés d'histoire.

Source : Le 450e anniversaire de la "grande révolte paysanne" en Croatie et en Slovénie ancré dans nos esprits