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La Croatie diverse (suite)
24 septembre 2021

Zoran Milanović

1. Zoran Milanović, un diplomate pour affronter l’UE

 

Au pays qui se targue d’avoir inventé la cravate, c’est déjà tout un symbole :  Zoran Milanović   aime à arborer, sous ses costumes de bonne facture, la chemise ouverte des dirigeants jeunes et modernes. Le vainqueur des élections législatives croates du dimanche 4 décembre (sa coalition de centre-gauche est en passe d’obtenir 79 sièges sur 151 à la Diète) entend incarner l’avenir européen d’une Croatie débarrassée de ses démons et prête à aller de l’avant.

De fait, cet homme de 45 ans à l’allure discrète restera dans l’histoire de la jeune République croate comme celui qui a mis fin à vingt ans de règne quasi ininterrompu de la HDZ (Union démocratique croate), le parti nationaliste fondé par  Franjo Tuđman, aujourd’hui miné par un clientélisme endémique, une crise économique sévère et des affaires de corruption qui ont fait chuter jusqu’à l’ancien premier ministre  Ivo Sanader. C’est aussi lui qui sera à la tête du pays quand la Croatie deviendra, en juillet 2013, le vingt-huitième Etat membre de l’Union européenne.

Déterminé à faire de la Croatie et de ses 4,4 millions d’habitants "un petit dragon de l’Europe", M. Milanović a décliné tout au long de sa campagne un programme essentiellement axé sur le redressement économique du pays et son arrimage à l’Europe, le tout "dans la sueur". Son parcours, celui d’un diplomate polyglotte naviguant entre Bruxelles et Zagreb, semble lui aussi aller dans le sens du renouveau des responsables politiques discrédités. "Il est capable de redonner foi dans la politique", veut croire un diplomate qui a travaillé avec lui et le dépeint en "bon professionnel aux capacités intellectuelles supérieures".

Mais Zoran Milanović est-il réellement capable de sortir la Croatie de l’ornière économique et morale ? D’abord, cet orateur moyen, décrit comme arrogant et peu charismatique, dont la seule aspérité semble être son caractère colérique, n’est pas populaire. "Même avec un masque de Mickey sur la tête, Milanović ne peut pas perdre", écrivait pendant la campagne le commentateur  Tomislav Klauški, mettant en avant la soif d’alternance de la société croate.

 

"S’il n’est pas populaire, c’est qu’il n’est pas populiste", répond  Davor Butković, éditorialiste au quotidien Jutarnji list, lui aussi convaincu que le nouveau premier ministre va forger une administration dévouée au bien public et guidée par le respect de la loi. "Quand on va au restaurant, il insiste pour payer l’addition, mais seulement une fois sur deux. Cet homme est l’opposé de l’idée de corruption."

 

 

"COUPS D’ÉCLAT"

 

Davor Majetić, président du syndicat des employeurs, espère que M. Milanović aura le courage de rompre avec le clientélisme et d’assainir les entreprises publiques mais, selon lui, "le chef de la majorité risque de devoir donner des gages aux trois autres membres de sa coalition en distribuant les sphères d’influence sur l’économie".

 

Au-delà du volontarisme affiché, reste à savoir si Zoran Milanović aura les épaules pour résister aux groupes de pression – anciens combattants, réfugiés de la guerre, fonctionnaires, groupes industriels – qui paralysaient l’action de la HDZ. Personne ne songe à lui reprocher d’avoir embrassé, pendant la "guerre patriotique" (1991-1995), la carrière diplomatique, mais le fait est que M. Milanović n’est pas un homme de combat.

 

Depuis l’époque où, enfant de la classe moyenne communiste, il se battait contre les petites frappes de son quartier de Trnje, alors le plus mal famé de Zagreb, "Zoki" a mené sa barque en douceur, presque en dilettante. Il y a bien eu la prise du Parti social-démocrate (SDP), après la mort d’Ivica Račan  en 2007, mais le vieux chef avait si bien écarté ses rivaux que la place était chaude pour un jeune loup.

 

Autre source d’inquiétude, sa faible expérience du pouvoir. "Le plus haut poste qu’il a occupé dans la fonction publique, c’est directeur", remarque perfidement Andrej Plenković, secrétaire d’Etat aux affaires européennes et membre de la HDZ. Chef de l’opposition pendant quatre ans, Zoran Milanović a rarement pris part aux débats parlementaires et n’a jamais proposé de loi, explique le politologue Davor Gjenero : "Il n’existe que par des coups d’éclat ponctuels", comme la demande, pourtant irréalisable, en 2007, d’organiser un référendum sur l’adhésion à l’OTAN.

 

Une accusation que récuse  Vesna Pusić, sa partenaire libérale dans la coalition et probable ministre des affaires étrangères : "Au contraire, il gagnerait à être un peu plus showman. Parce que si nous avons besoin d’une vie politique apaisée et normalisée, nous avons aussi besoin de dirigeants forts."

 

 

Source : lemonde.fr, le 5 décembre 2011.

 

 

 

 

 

 

2. Zoran Milanović, un Premier ministre sur un siège éjectable

 


 

Les jours de Zoran Milanović à la tête du gouvernement croate sont comptés. Depuis l’éviction de son ministre des Finances, officiellement pour une affaire de corruption, le Premier ministre est incapable de rassembler sa majorité. La claque prise aux élections européennes a fini de faire éclater la crise et la Croatie se dirige tout droit vers des législatives anticipées.


 

 

Après la dernière session marathon du Comité central du SDP, quand il a été annoncé que Slavko Linić, ancien ministre des Finances, était exclu du parti, les rumeurs qui circulent depuis quelques temps se sont avérées fondées : le SDP est une formation irrémédiablement divisée. Les résultats du vote montrent même une scission en deux : 50 membres pour son éviction, 47 contre.

 

Pour ou contre Milanović ?

Ce vote pour ou contre Linić n’était qu’un leurre : il s’agissait en fait d’un vote de confiance pour le président du parti, et actuel Premier ministre, Zoran Milanović. Linić n’était donc qu’un cobaye qui servait à tester l’atmosphère au sein du parti. Déjà avant le vote, les organes municipaux du parti étaient déjà divisés : les deux organes les plus forts, ceux de Zagreb et de Rijeka (d’où est originaire Linić) sont contre Milanović. Les opposants estiment que Milanović doit partir parce qu’il est à l’origine des divisions. Ils l’accusent de ne pas écouter ses pairs et d’être en conflit avec certains des cadres du parti.

« Le chef du parti n’est pas censé le diviser. Il s’agit d’une victoire à la Pyrrhus pour Milanović. Le SDP a perdu. C’est un triste jour », a lâché après la session de la Commission générale Zlatko Komadina, préfet du comitat de Primorje-Gorski Kotar, homme fort du SDP, et membre clé du lobby de Rijeka. Komadina a annoncé dans la foulée sa candidature à la tête du SDP.

 

L’affaire Linić

Lorsque début mai, Zoran Milanović a fait partir Linić, alors ministre des Finances à cause d’un différend au sujet de l’évaluation de la valeur des terrains d’une entreprise, il était clair que l’avalanche avait commencé. À ce moment là, Linić a rendu public son conflit avec le Premier ministre, tout en restant discret avant les élections européennes pour de ne pas faire préjudice au parti. La simple annonce de ce conflit a sérieusement fait monter la température au sein du SDP et les mauvais résultats à l’élection européenne - le SDP a obtenu quatre sièges alors que le parti d’opposition, le HDZ, en a obtenu six - ont fait éclater la crise.

Après le choc électoral, Linić est sorti de son silence, il a accusé ouvertement le Premier ministre et président du SDP. Il l’a qualifié d’intrigant et l’a accusé de faire passer ses intérêts personnels avant les intérêts publics, mais aussi d’avoir utilisé les services secrets illégalement. Milanović a évidemment réfuté toutes ces accusations, il s’est excusé auprès des citoyens croates pour ce tapage médiatique et a annoncé un débat sur « l’affaire Linić » au sein des instances supérieures du parti.

Ses proches collaborateurs, ceux qui se sont rangés à ses côtés, affirment cependant qu’il a été profondément choqué par les résultats si serrés au sein du Comité central du SDP ; il s’attendait à ce qu’une large majorité des membres votent pour l’éviction de Linić. D’ailleurs, pour en faire une démonstration de force, il avait proposé que l’éviction de Linić soit votée à bulletin secret.

Josip Leko, président du Parlement croate, un vétéran du SDP était opposé à cette éviction. Deux ministres, Mirando Mrsić, ministre du Travail, et Rajko Ostojić, ministre de la Santé, n’ont, eux non plus, pas caché avoir voté contre l’expulsion de Linić. Au même moment, on pouvait entendre dire dans les couloirs du parlement que ces deux là allaient devoir quitter le parti...

 

Une seule issue : des législatives anticipées

Milanović a gagné une bataille, mais surement pas la guerre, cette victoire n’est qu’une victoire à la Pyrrhus. Linić a été évincé du parti, mais cela n’a rien résolu. Cela n’a fait que réveiller les démons qui hantent le SDP. Une nouvelle session du Comité central est prévue pour le mois prochain. Linić ne sera plus à l’ordre du jour, ce sera au tour de Milanović. Il est très probable que d’ici là, mûrisse l’idée d’élections anticipées au sein du parti.

L’opposition est bien sûr très satisfaite de ces divisions au sein du SDP, elles ont aussi profondément affecté la stabilité du gouvernement, et même remis en question la place de la majorité en son sein. Aujourd’hui, on ne sait pas combien de membres du SDP au Parlement se rangent aux côté de Milanović et combien se rangent contre (après l’éviction de Linić il reste 59 députés SDP sur 151) et le Premier ministre pourrait perdre la majorité si une partie des membres du SDP décidaient de désobéir.

Vu le contexte, les élections anticipées sont une option réaliste. La fragilité de la position de Milanović qui peut perdre tout soutient dans le mois à venir, est un argument fort pour l’opposition conservatrice. Le HDZ appelle de plus en fort à des élections anticipées et dispose pour cela de trois arguments solides : une victoire écrasante aux élections européennes de mai dernier, des sondages d’opinion qui les donnent favoris, et, le plus important, ils affirment qu’au lieu de se concentrer sur les questions nationales, Milanović ne se concentre plus que sur les problèmes de son parti.

C’est dans ce contexte mouvementé que Milanović est parti au Brésil pour assister à la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de football où la Croatie jouait le premier match, perdu 3-1 après plusieurs décisions arbitrales controversées. Ils sont peu nombreux à croire que la position de Milanović pourrait s’améliorer même si les footballeurs croates revenaient avec un titre de champions du monde...


 

 

Par Drago Hedl

Traduit par Jovana Papović

 

Source : balkans.courriers.info, le 16 juin 2014

Article publié à l'origine sur balcanicaucaso.org, le 12 juin 2014.

 

 

 

 

 

 

3. Le départ de Milanovic ne résout rien (13 septembre 2016)

 

Suite au revers électoral essuyé par les sociaux-démocrates du SDP – son pire résultat depuis 2007 – le chef de file du parti, l’ex-Premier ministre Milanović, a fait savoir qu’il ne brigait plus la direction du parti. Pour Novi list, des réformes conséquentes s’imposent au sein du SDP :

«Ce parti n’a pas réussi à proposer une alternative de gauche au modèle économique actuel, qui est désastreux. … Le problème est que personne dans sa direction actuelle n’est en mesure d’impulser une quelconque alternative politique. Malheureusement, sur le plan des candidats comme sur celui des idées, ce parti a été phagocyté par l’ego de Milanović. C’est pourquoi le départ de Milanović ne suffira pas à résoudre le problème du SDP, encore moins si on le substitue par le clone de l'ancien Premier ministre, par exemple [le ministre sortant des transports] Siniša Hajdaš Dončić. S’il ne veut pas péricliter, le SDP doit engager une réforme en profondeur de ses cadres et de ses idées.»
 
Par Denis Romac
 

 

Milanović est le premier responsable de la sévère dégringolade de son parti, constate Dnevnik :

«Zoran Milanović est le prototype du politique qui, après avoir occupé pendant des années les plus hautes fonctions de son parti et de l’Etat, en a oublié ses convictions politiques et le rapport à la réalité. On aurait pu s’attendre à ce qu’au bout d’une carrière aussi longue, un politique soit aguerri aux finesses du grand art politique et ait tiré des enseignements de ses victoires et de ses défaites. Mais l'exercice du pouvoir pendant de si longues années, associé à son autosatisfaction, son arrogance et son ignorance, ont empêché l’ex-Premier ministre et chef de file des socio-démocrates de goûter à la sagesse en politique, qui lui aurait au moins valu le respect en dehors de son parti – puisqu'il n'est même pas soutenu par ses électeurs.»
 
Par Zoran Senkovic


Source : http://www.eurotopics.net/fr/165850/croatie-la-formation-d-un-gouvernement-sera-laborieuse
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